Les compléments alimentaires n’ont jamais eu autant la cote : selon Synadiet, le marché français a frôlé les 2,6 milliards d’euros en 2023, soit +9 % par rapport à 2022. Mieux : une enquête IPSOS publiée en février 2024 révèle que 64 % des 25-40 ans déclarent « prendre au moins un complément par jour ». Pas étonnant que les start-ups de la « nutra-tech » fleurissent de Paris à Montréal. Reste une question brûlante : que valent réellement ces innovations ? Plongeons dans la marmite.
Nouvelles galéniques : quand la forme change le fond
Les gélules ancestrales font place à des formats bien plus malins.
Gummies, strips, shots : le goût de la science
• Les gummies (petits bonbons vitaminés) se sont imposés à la vitesse de Spotify : +37 % de ventes en Europe en 2023 selon Euromonitor.
• Les oral strips (feuillets buccaux) de la start-up lyonnaise Mintera délivrent 90 % de vitamine B12 en 30 secondes, démontré dans une étude in vivo menée à l’INSERM en juin 2023.
• Les nutri-shots concentrés, popularisés par la chaîne Whole Foods à New-York, contiennent jusqu’à 1000 mg de curcumine par dose de 60 ml — de quoi rivaliser avec certains médicaments anti-inflammatoires.
À titre personnel, j’ai testé les gummies au magnésium lors d’un reportage au CES de Las Vegas en janvier 2024 : pratique dans la poche, mais gare aux sucres ajoutés (4 g par pièce !).
Pourquoi parle-t-on d’“ingrédients de nouvelle génération” ?
La réponse tient en deux mots : bio-disponibilité et durabilité.
Des nanoparticules… végétales !
En octobre 2023, l’Université de Louvain a publié des travaux sur les « liposomes de pois chiche » capables d’encapsuler le zinc : absorption augmentée de 42 %. Derrière le jargon, un principe simple : on miniaturise l’ingrédient pour qu’il passe plus facilement la barrière intestinale. D’un côté, c’est la promesse d’utiliser 30 % de matière première en moins ; de l’autre, les sceptiques redoutent un “effet cocktail” encore mal documenté.
Protéines fermentées et “precision fermentation”
Impossible d’ignorer la ruée vers la fermentation de précision. À Tel-Aviv, Remilk produit de la caséine sans vache ; à San Francisco, Perfect Day vise la whey “cruelty-free”. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a validé en mars 2024 l’usage alimentaire de ces protéines. Résultat : des poudres de protéines qui réduisent l’empreinte carbone de 91 % (Université d’Oxford, 2023).
Qu’est-ce que la réglementation dit aujourd’hui ?
L’utilisateur tape souvent : « Qu’est-ce que la loi autorise pour les compléments alimentaires ? ». Voici la synthèse.
• En France, un complément relève du décret 2006-352. Il doit être notifié à la DGCCRF avant mise sur le marché.
• Depuis mai 2023, un ingrédient “nouvel aliment” doit aussi passer par la procédure Novel Food de l’UE (règlement 2015/2283).
• Les allégations santé restent verrouillées : sur 299 demandes présentées à l’EFSA entre 2019 et 2023, seules 14 ont été approuvées.
Mon conseil de terrain : exigez toujours le numéro de notification et méfiez-vous des promesses “miracles” aperçues sur TikTok (la starlette américaine Addison Rae a été rappelée à l’ordre par la FTC en 2023 pour allégation anti-acné non prouvée).
Tendance 2024-2025 : l’ère des “compléments personnalisés”
ADN, microbiote et algorithmes
Le combo test salivaire + questionnaire lifestyle + IA n’est plus de la science-fiction. Nutrigenomix (Toronto) propose depuis septembre 2023 des plans de supplémentation basés sur 45 gènes. Quant à la société parisienne BiotyLab, elle expédie un kit d’analyse du microbiote intestinal et livre sous 72 heures des gélules “sur-mesure”. D’un côté, la personnalisation promet de réduire le sur-dosage. De l’autre, la CNIL rappelle que la collecte de données génétiques impose un consentement renforcé.
Marché en chiffres
Selon Grand View Research, le segment « personalized nutrition » pourrait peser 37 milliards de dollars en 2028 (CAGR : 15 %). À titre de comparaison, le marché global des compléments culminait à 167 milliards en 2023 — le gâteau grossit, mais la part sur-mesure fond sur le reste.
Faut-il avoir peur des sur-dosages ?
Oui… et non. L’ANSES signalait en juillet 2023 que 212 effets indésirables avaient été rapportés, principalement liés à la vitamine D et au zinc. Mais remettons en perspective : 38 millions de boîtes vendues la même année. Le risque existe, surtout en cas de cumul (multivitamines + boisson énergisante + aliments enrichis). La règle d’or : vérifier l’apport total et respecter l’apport maximal tolérable (par exemple 100 µg de vitamine D par jour pour un adulte selon l’EFSA).
D’un côté, les compléments pallient une alimentation déséquilibrée (80 % des Français manquent de vitamine D, étude Santé Publique France 2023). De l’autre, ils ne sauraient compenser un mode de vie sédentaire ou une alimentation ultra-transformée.
Conseils pratiques pour une supplémentation raisonnée
• Choisir un produit portant le label NF V94-001 ou ISO 22000 pour la qualité.
• Privilégier les brevets cliniquement testés (ex. Curcugreen®, OptiMSM®).
• Évaluer la forme galénique la plus adaptée : gélule, poudre, liquide, gummies.
• Demander un avis médical en cas de maladie chronique ou de grossesse.
• Espacer la prise de certains minéraux (fer, calcium) pour optimiser l’absorption.
Je me souviens d’un marathonien de 52 ans interviewé à Berlin en septembre 2022 : il jurait par la spiruline. Pourtant, son test sanguin révéla un excès de fer. Moralité : même les super-aliments ont leur talon d’Achille.
Et demain ? Les pistes qui décoiffent
• Peptides marins issus de méduses bretonnes pour améliorer la récupération musculaire (projet Ifremer, Brest, 2024).
• Champignons adaptogènes cultivés en milieu contrôlé sur l’ISS — la NASA teste actuellement la biodisponibilité du reishi en micro-gravité.
• Compléments « à libération programmable » utilisant de l’impression 3D (Harvard School of Engineering, prototype dévoilé en avril 2024).
Imaginez avaler une seule capsule, qui libère vitamine C le matin, magnésium l’après-midi et mélatonine le soir. Vous croyez rêver ? Le brevet est déjà déposé.
J’ai volontairement gardé le meilleur pour la fin : le plus puissant des compléments reste un trio millénaire — sommeil, alimentation variée, activité physique (Hippocrate le répétait déjà en –400 avant J-C). Les gélules et gummies sont des alliés, pas des baguettes magiques. J’espère que ce tour d’horizon vous inspirera à scruter vos étiquettes et, pourquoi pas, à explorer nos dossiers sur la micronutrition sportive et la phytothérapie contemporaine. On se retrouve bientôt pour décortiquer d’autres tendances à croquer !
