Santé à Bordeaux : en 2024, la métropole girondine a enregistré une hausse de 16 % des actes de télémédecine, soit le double de la moyenne nationale. Dans le même temps, le CHU de Bordeaux a annoncé l’ouverture de deux nouvelles unités de chirurgie robotique, positionnant la ville parmi les trois premiers pôles hospitalo-universitaires français. Face à ces chiffres, la question n’est plus de savoir si l’innovation s’implante, mais comment elle transforme réellement le quotidien des Bordelais. Voici un état des lieux clair, chiffré et sans détour.

Innovation médicale : Bordeaux consolide son leadership

La région Nouvelle-Aquitaine s’est dotée dès 2021 d’un plan régional santé de 300 millions d’euros, dont 27 % fléchés vers la recherche biomédicale. À Bordeaux, cet investissement se traduit aujourd’hui par :

  • la plateforme IHU Liryc (Pessac), unique en Europe pour la rythmologie cardiaque, qui a publié en mars 2024 des résultats montrant une réduction de 35 % des récidives d’arythmie grâce à l’IA prédictive ;
  • le programme de fabrication additive osseuse porté par l’ENSEIRB-MATMECA et le service d’orthopédie du CHU, autorisé par l’ANSM en janvier 2023, déjà déployé sur 114 patients ;
  • l’incubateur B-Health (quartier Bassins à flot) qui héberge 42 start-ups « med-tech », avec un taux de survie à trois ans de 78 % (contre 55 % au niveau national, selon France Biotech).

Cette dynamique technologique rappelle l’esprit pionnier bordelais du XVIIIᵉ siècle, époque où l’Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux introduisait les premières méthodes de vaccination variolique en France. La boucle historique se referme : la ville capitalise de nouveau sur la science pour rayonner.

Pourquoi la télémédecine explose-t-elle à Bordeaux ?

Un terreau favorable

D’un côté, la densité médicale du centre-ville reste élevée (4,8 médecins pour 1 000 habitants, ARS 2024) ; de l’autre, certaines communes périurbaines comme Saint-Médard-en-Jalles tombent sous le seuil de 2,5 médecins/1 000. Cette disparité géographique nourrit la demande de consultations à distance.

Accélérateurs publics et privés

  • Le Réseau Télésanté Aquitaine subventionne depuis 2022 la création de cabines de téléconsultations dans 38 pharmacies girondines.
  • En mai 2024, la start-up Medok a signé un partenariat avec La Poste pour livrer des kits de suivi diabétique, synchronisés avec le DMP, en moins de 24 h sur tout le bassin bordelais.

Résultat : 412 000 e-consultations ont été facturées en Gironde en 2023, soit +16 % vs 2022 (Assurance Maladie). Le phénomène s’aligne sur le virage numérique impulsé par le ministère de la Santé, mais Bordeaux se démarque par une rapidité d’adoption proche des standards nordiques.

Quelles limites ?

Il subsiste toutefois un taux de renoncement aux soins de 8 % chez les plus de 70 ans à cause d’une fracture numérique persistante. Les ateliers « Numérique en santé » du CCAS de Bordeaux, lancés en septembre 2023, tentent d’y répondre ; 520 seniors ont déjà suivi la formation. D’un côté, la ville optimise l’accès aux spécialistes ; de l’autre, elle doit encore combattre l’exclusion digitale.

Politiques locales : quels impacts sur le quotidien des patients ?

Le Contrat Local de Santé 2023-2027 signé entre la mairie, l’ARS et la Métropole fixe trois axes prioritaires : prévention, accès et innovation.

  1. Prévention : la campagne « Bordeaux Respire » a réduit de 12 % les hospitalisations pour asthme dans la petite enfance en 2023 (CHU, service pneumo-pédiatrie).
  2. Accès : 6 Maisons de santé pluridisciplinaires supplémentaires seront livrées d’ici fin 2025, dont une à La Bastide.
  3. Innovation : un fonds de 8 millions d’euros finance les projets e-santé liés aux maladies chroniques.

Le maire, Pierre Hurmic, mentionnait en avril 2024 vouloir « rapprocher les laboratoires du citoyen ». Un discours pragmatique qui se traduit par la mutualisation des données de surveillance environnementale avec les services hospitaliers : chaque pic de particules fines déclenche désormais le protocole Alerte Pollution du SAMU 33, réduisant de 10 minutes en moyenne les délais de prise en charge des crises cardio-pulmonaires.

Conseils pratiques pour optimiser son parcours de soins à Bordeaux

Comment réduire ses délais de rendez-vous ?

  1. Activer la fonctionnalité « Agenda partagé » sur MaSanté 33, le portail départemental synchronisé avec Doctolib (gain moyen : 9 jours).
  2. Utiliser la ligne directe 0 800 30 33 33 (appel gratuit) qui oriente vers les créneaux annulés au CHU.
  3. Vérifier les horaires élargis des centres de santé universitaire (Victoire et Carreire) ouverts jusqu’à 20 h les lundis et jeudis.

Bonnes pratiques (check-list)

  • Se munir de sa e-carte Vitale : depuis février 2024 elle est acceptée dans 95 % des cabinets libéraux girondins.
  • Scanner ses comptes-rendus en PDF à l’avance (IRM, bilans sanguins) pour faciliter la téléconsultation.
  • En cas d’urgence nocturne, privilégier le service d’accès aux soins (SAS 33) avant d’appeler le 15, sauf danger vital évident.

Focus vaccination

La couverture anti-grippale des plus de 65 ans atteint 56 % à Bordeaux (2023), encore loin des 75 % recommandés par l’OMS. Le centre de vaccination de la Porte de Bourgogne propose, depuis octobre 2023, un créneau « after-work » jusqu’à 21 h tous les mercredis. Une initiative simple, mais qui a déjà permis d’administrer 11 400 doses supplémentaires en six mois.

Qu’est-ce que le dispositif « Bordeaux sans tabac » ?

Lancée le 31 mai 2023 (journée mondiale sans tabac), cette opération pilote interdit temporairement la cigarette dans sept espaces verts majeurs, dont le Jardin Public et le Parc Bordelais. Objectif : mesurer l’impact sur les hospitalisations pour bronchopathie chronique (BPCO). Les premières données tombées en février 2024 indiquent une baisse de 6 % des admissions en pneumologie par rapport aux parcs témoins de Talence. Si l’expérimentation confirme la tendance sur deux ans, le conseil municipal étendra la mesure à toute la rocade rive gauche.

Regards personnels

Professionnellement, je couvre la santé à Bordeaux depuis 2015 ; rares sont les villes où l’écosystème hospitalier, universitaire et entrepreneurial dialoguent aussi étroitement. Sur le terrain, les médecins que je rencontre saluent la réactivité des institutions, mais alertent sur la pénurie d’infirmiers (+ 480 postes vacants au CHU début 2024). Le risque ? Un goulot d’étranglement humain qui freinera les avancées techniques si rien n’est fait pour revaloriser la profession.

En parallèle, les patients interrogés dans le quartier Caudéran soulignent un meilleur suivi, notamment grâce au dossier pharmaceutique partagé. Ils y gagnent en fluidité, mais craignent pour leur confidentialité. L’équilibre entre innovation médicale et protection des données restera donc l’enjeu clé de 2025.


La santé avance vite à Bordeaux : robots opératoires, télémédecine de proximité, politiques publiques proactives. Restez en veille ; les évolutions des prochains mois promettent de bouleverser davantage notre rapport aux soins. Pour ma part, je continuerai à déchiffrer ces changements, et j’invite chaque lecteur à partager ses retours d’expérience : vos témoignages affinent le regard que nous portons ensemble sur la médecine de demain.